HISTOIRE DE L’ART / CONFÉRENCES THÉMATIQUES
La révolution française 1789
1.0
Les évenements
Jean-Pierre Houël (1735-1813) Démolition de la Bastille
5 mai 1789 Ouverture de la réunion des États-Généraux
20 juin 1789 Serment du Jeu de Paume 14 juillet
14 juillet 1789 Prise de la Bastille
4 août 1789 L’Assemblée constituante déclare l’abolition des privilèges
10 août 1792 Prise des Tuileries et chute de la monarchie
21 septembre 1792 Proclamation de la République
La directoire
22 août 1795 La Convention proclame le Directoire.
9 novembre 1799 Coup d’État du 18 Brumaire an VIII par le général Napoléon Bonaparte.
Fin de la Révolution et début du Consulat
Les sujets événementiels de la Révolution française conduisent à remettre en cause la primauté de la peinture d'histoire dans la hiérarchie des genres.
En outre, la représentation des grands événements (les journées révolutionnaires et les "actions héroïques et civiques des républicains français") doit dépasser l'anecdote pour devenir une leçon morale. "Il faut créer, en somme, des "allégories réelles". Pour atteindre ce but, il faut nécessairement inventer un nouveau langage, de nouvelles formes d'expression. Ici s'ouvre la voie royale qui conduit, pardelà l'intermède napoléonien, du Serment du Jeu de paume de David, au Radeau de la Méduse de Géricault et à La Liberté guidant le peuple de Delacroix" (Udolpho van de SANDT). Il faut également tenir compte du fait que tel évènement glorifié aujourd'hui n'est plus en honneur, voire est proscrit, le lendemain. Le consensuel est rare.
1.1
Prise de la bastille
— Charles Thévenin (1764-1838) Prise de la Bastille et arrestation du gouverneur M. de Launay, le 14 juillet 1789
Toile exposée aux salons de 1793 et 1795, mais l'oeuvre était déjà composée quelques mois après l'évènement. Le peintre a choisi le moment de l'arrestation de De Launay, donnant (à l'inverse de la majorité des autres représentations) peu d'importance à la Bastille. Attitudes et visages sont empruntés au répertoire de l'expression des passions poussées au paroxysme.
— Jean-Pierre Houël (1735-1813) Démolition de la Bastille
Bibliothèque nationale de France à Paris
— Claude Cholat (1736-?) Siège de la Bastille
Musée Carnavalet à Paris
1.2
La guillotine, gravures
— Mort du roi 21 janvier 1793
Musée Carnavalet à Paris
— Mort de la reine
Musée Carnavalet à Paris
— Mort de Danton et Desmoulins
– Danton "tu montreraz ma tête au peuple elle en vaut la peine"
Gravure dans Tragédie de l'Homme, de Imre Madách
— Robespierre et Saint-Just conduits à la guillotine le 28 juillet 1794
Musée Carnavalet à Paris
— Exécution de Robespierre et de ses complices
Bibliothèque nationale de France
La Marseillaise / Le film de Renoir
financée à laide dune vaste souscription lancée par la C.G.T sous la forme de parts individuelles de deux francs correspondant au préachat d'une place, La Marseillaise est la seconde contribution de Jean Renoir au Front Populaire après La vie est à nous. Cette "Chronique de quelques faits ayant contribué à la chute de la monarchie" se présente sous la forme d'une série de vignettes qui évoquent les trois premières années de la Révolution Française. Initialement, dès février 1937, Renoir avait souhaité solliciter un groupe de scénaristes et de compositeurs représentant la fine fleur du cinéma français : Marcel Achard, Henri Jeanson, Marcel Pagnol, Georges Auric, Darius Milhaud et Arthur Honegger.
Maurice Chevalier est pressenti pour incarner un ouvrier entonnant "la Marseillaise ", Jean Gabin pour jouer un menuisier du faubourg Saint-Antoine et Eric von Stroheim un officier autrichien. Soutenu par le gouvernement de Jean Zay et le Parti Communiste de Maurice Thorez, le tournage se déroule d'août à novembre 1937 et le film sort le 9 février suivant avec Pierre Renoir dans le rôle de Louis XVI, Lise Delamare dans celui d'une Marie-Antoinette (habillée par Coco Chanel) et Louis Jouvet en syndic du Parlement de Paris. La réalisatrice allemande Lotte Reiniger y évoque "le Roi et la nation "à l'aide de son théâtre d'ombres chinoises et la chute des Tuileries est reconstituée au château de Fontainebleau (notice deJean-Philippe Guerand)
Cette "Chronique de quelques faits ayant contribué à la chute de la monarchie" se présente sous la forme d'une série de vignettes qui évoquent les trois premières années de la Révolution Française.
2.0
LES MARTYS
Jacques-Louis David (1748-1825) Bara
2.1
Bara et Viala
– Jacques-Louis David (1748-1825) Bara
Tableau de commande. Loin du héros, le jeune garçon est nu, fragile, sans uniforme ni signe distinctif. Seule la cocarde tricolore et le mince filet de sang rouge le long de son aine en 3 portent le sens héroïque et propagandiste. David le transforme en figure romantique qui condense et sublime toutes les contradictions. Image à l'antique d'un hermaphrodite, un antihéros solitaire, sans armée autour de lui, sans décor, qui en ce sens échappe à l'actualité pour toucher à l'universel. Pour cause de 9 thermidor, et les adversaires de Robespierre n'ayant ni les mêmes objectifs ni les mêmes admirations, le culte des enfants martyrs est interrompu, et le tableau restera inachevé. C'est la postérité et la 3e République qui ressusciteront le culte. D'où les oeuvres de Weerts en 1880, Henner en 1882, Moreau-Vauthier entre 1880 et 1887.
Les exploits de François-Joseph Barra (1779-1793) sont connus par une lettre du général Desmarres au ministre de la guerre, lue par Barère à la séance de la Convention du 15 décembre 1793. "... cet enfant m'a accompagné depuis l'année dernière, monté et équipé en hussard; toute l'armée a vu avec étonnement une enfant de 13 ans affronter tous les dangers." Le culte des 2 enfants martyrs est très lié à la politique de Robespierre qui, à propos de Barra, s'écriera à la Convention le 18 décembre "les français seuls ont des héros de 13 ans." Le 7 mai 1794 est voté le transfert de leurs dépouilles au Panthéon, avec une cérémonie organisée par David. Elle sera annulée par les évènements de Thermidor. Né en 1779, Joseph Bara est le fils du garde-chasse du seigneur de Palaiseau. Alors que ses deux frères aînés, engagés dans les armées républicaines, sont envoyés aux frontières, Joseph, lui, part en Vendée et sert (tambour ? hussard ? ordonnance ?) sous les ordres du général Desmarres. Le 7 décembre 1793, il trouve la mort dans une embuscade près de Jallais dans les Mauges. Selon la légende, encerclé par des Vendéens qui le sommaient de crier Vive le roi, il aurait répondu Vive la République !
– Pierre-Paul Prud'hon (1758-1823) Mort de Viala
Viala (1780-1793) est, avec Bara, l'une des plus connues des figures de héros-enfants de la révolution. En 1793 une insurrection fédéraliste, à laquelle se joignent les royalistes.prend le contrôle de Toulon et Marseille, forçant les soldats de la République à se replier sur Avignon. À la nouvelle de l’approche des insurgés marseillais, début juillet 1793, les républicains tentent de les empêcher de franchir la Durance. Viala se joint aux gardes nationaux avignonnais. La seule solution est de couper, sous le feu des insurgés, les cordages du bac de Bonpas, et pour cela, traverser une chaussée entièrement exposée au feu de l'ennemi. Selon les récits consacrés à l'événement, Viala, alors âgé de treize ans, s'élance vers le câble et l'attaque à coups d'une hache dont il s'est emparé. Atteint d'une balle, il est mortellement blessé.
– Charles Moreau-Vauthier (1857-1924) Mort de Bara
Date inconnue, mais l'auteur exposant au salon des Artistes Français de 1880 à 1887, le tableau a dû être réalisé dans ce créneau. Musée municipal, Nérac, déposé à l'Ecomusée de la Vendée
– Jean Jacques Henner (1829-1905) Bara
Etude pour le tableau du salon de 1882. Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris
2.2
Assassinat de Marat
Le 13 juillet 1793, Marat est assassiné par Charlotte Corday, une jeune fille âgée de 25 ans, issue de la petite noblesse normande et proche des Girondins. Choquée par les récits que des Girondins, exilés à Caen, lui font des massacres de septembre 1792 et croyant Marat l’unique responsable, elle se rend à Paris pour punir ce nouvel Antéchrist. Aussitôt, Marat est considéré comme un martyr de la Révolution et son corps transféré au Panthéon. Mais Marat n'est pas une figure consensuelle. Associé à la Terreur, à laquelle il ne cesse d'appeler, sa dépouille est retirée du Panthéon aux lendemains de la chute de Robespierre. Commence alors un combat autour de la mémoire de Marat .
– Joseph Roques (1757-1847) La mort de Marat
Marat est représenté dans une posture de martyr, au corps idéalisé, les couleurs de la République sont là, le bleu foncé du tissu qui couvre le bas du corps, le blanc du drap, de la coiffe, des papiers, du buste aussi et le rouge enfin, ajouté par quelque touches, du sang versé, sur la plaie et sur l’arme du crime… Cette représentation, inspirée du célèbre tableau de David, était destinée au club des Jacobins 4 de Toulouse.
– Louis Brion de la Tour (1756-1803) Arrestation de Charlotte Corday
– Weerts Jean Joseph (1847-1927) Arrestation de Charlotte Corday
NB- Différence entre les deux représentations: Brion de la Tour met l'accent sur la douleur du peuple, Weerts sur sa colère.
– Emery Duchesne (1847-?) Hauer peignant Charlotte Corday dans sa prison
Emery Duchesne, 1880 Charlotte Corday, vêtue d'une robe rouge, les mains liées dans le dos, est amenée par un geôlier au peintre Hauer, en uniforme de commandant de la garde nationale, assis sur une chaise près de son chevalet, sur lequel sa toile commencée représente seulement le buste de Charlotte Corday. En réalité, Hauer n'a fait qu'une oeuvre réduite où la tête seule est peinte d'après nature, conservée au musée de Versailles.
– Jean-Jacques Hauer (1751-1829) Charlotte Corday (1768-1793)
Représentée d’après nature après sa condamnation à mort par le tribunal révolutionnaire du 17 juillet 1793 (juste avant de revêtir la camisole rouge de patricide et son départ pour l’échafaud).
2.3
Charlotte Corday dans l'idéologie post - trois glorieuses
Présentée comme un assassin dans les gravures qui circulèrent à l’époque, Charlotte Corday fut réhabilitée comme victime après la révolution de 1830. On l’associa à la figure principale du grand tableau de Delacroix présenté au salon de 1831, La Liberté guidant le peuple. Au cours du XIXe siècle, d’autres peintres suivirent Henry Scheffer et son Arrestation de Charlotte Corday ( Auguste Raffet, Alfred Dehodencq, Paul Baudry, Jules-Charles Aviat dont La Mort de Marat de 1880 appartient au musée des beaux-arts de Rouen, etc.) Les peintures, les sculptures, les créations théâtrales se succédèrent pendant tout le XIXe siècle concernant cette femme extraordinaire selon la formule utilisée par le Comité de Salut Public, l’ange de l’assassinat pour Lamartine.
- Paul Baudry (1826-1886) Charlotte Corday 1858
Le tableau de Baudry, réalisé en 1858 (date de l'attentat d'Orsini contre Napoléon III) s'inspire de celui de David (cf. la couleur verte du drap qui recouvre la baignoire).Toutefois, Baudry en inverse le sens. Marat n'est plus stoïque devant la mort: en témoigne le désordre de la pièce. Charlotte Corday est la justice, à l'attitude déterminée et située dans la lumière. Elle incarne la France dont la carte se trouve derrière elle. Elle est sans conteste l'héroïne, non plus meurtrière
mais archange vengeur qui vient de terrasser le démon.
- Jules Aviat (1844-1931) Charlotte Corday et Marat (1880)
Salon des artistes français, Paris, 1880
2.4
Peletier de Saint-Fargeau
- Gravure, assassinat de Peletier de Saint-Fargeau
- Michel Le Peletier de Saint Fargeau sur son lit de mort esquisse pour un monument
- Jacques-Louis David (1748-1825) Le Peletier de Saint-Fargeau sur son lit de mort
Installé avec le Marat dans la salle des séances de la Convention, le tableau fut retiré en 1795 et confié à l'artiste qui le conserva jusqu'à sa mort à Bruxelles. Il fut vendu par sa famille à la fille du conventionnel Louise Suzanne de Mortefontaine.
Après cette vente le tableau disparut, fut probablement détruit par la fille de Le Peletier qui voulait faire disparaître le passé révolutionnaire de son père. Il n'est connu que par ce dessin et une gravure.
Ce tableau constitue avec le Marat assassiné et La Mort du jeune Bara une série consacré par le peintre aux martyrs de la Révolution.
3.0
Les Allégories
L'allégorie, décriée depuis Diderot, connaît un regain de faveur remarquable. En remplacement des symboles du régime monarchique qu'elle ordonne de détruire, la Révolution produit, dans un souci de légitimation, ses propres emblèmes qui incarnent les institutions et les valeurs 5 nouvelles. Ces allégories emblématiques, normatives, doivent être simples et aisément reconnaissables: bonnet phrygien, niveau, faisceau. Ainsi les artistes ont su en très peu de temps créer un vocabulaire qui s'impose par son utilisation répétée sur tous les supports disponibles.
Mais les choses se compliquent lorsqu'il s'agit d'évoquer les grandes conquêtes révolutionnaires dans le domaine des idées et des principes en assemblant l'iconographie nouvelle et les figures traditionnelles.
3.1
Types allégoriques :
La république
L‘allégorie de la République apparaît représentée sur différents supports. Dès 1792, elle est sur le sceau de la Première République. II portera pour type la France sous les traits d’une femme vêtue à l’Antique, debout, tenant de la main droite une pique surmontée d’un bonnet phrygien ou bonnet de la Liberté, la gauche appuyée sur un faisceau d’armes, à ses pieds un gouvernail, décrète la Convention. Antoine Gros (1771-1833, élève de David, figure dès 1794 une allégorie de La République sous les traits d’Athéna.
-
Le bonnet phrygien - Esclave libéré dans l'Antiquité
La couronne - L’invincibilité
Le sein nu - La nourrice et l’émancipation
La cuirasse - Le pouvoir
Le lion - Le courage et la force du peuple
L’étoile - L’intelligence
Le triangle - L’égalité
Les chaînes brisées - La liberté
Les mains croisées - La fraternité
Les faisceaux - L’autorité de l’État
La balance - La justice
La ruche - Le travail
Les Tables de la - Loi La foi
— Joseph Chinard (1756-1813) La République, 23 germinal an II (12 avril 1794)
Statuette de terre cuite, qui est sans doute un projet de monument pour la ville de Lyon. La République identifiable par le bonnet dévoile les droits de l'homme et couvre la table des lois d'une branche de chêne pour en montrer la force. Au revers, symboles explicites: derrière les lois, le faisceau (la Justice) et le serpent qui se mord la queue (l'Eternité); derrière les droits de l'homme, la massue et une guirlande de chêne (la Force). Attitude frontale reprise des matrones antiques, en particulier l'Agrippine du Capitole célébrée à partir du milieu du XVIIIe: reprise de la coiffure de petites boucles, des plis du drapé de la pose (inversée).
— Antoine-Jean Gros (1771-1835) La république, 1794-95
Tous les symboles mis en place en 1789: Casque d'Athéna et bonnet phrygien sur une pique, niveau dans la main droite, feuilles de chêne enroulées autour du faisceau de licteur, sandales "spartiates", tunique à l'antique. Gros 6 (23 ans) est à Gênes, et peint cette figure pour la légation de cette ville. Tableau perdu, mais sans doute identique. Il écrit à sa mère le 16 mars 1795: "ma grande figure de la Liberté ou République française est terminée; on en parait content. Il est vrai que dans ce pays il n'y a pas de juges sévères en peinture; je crois cependant que ce n'est pas du plus noble style. Elle est au moins passable; enfin j'ai fait ce que j'ai pu."
3.2
Types allégoriques :
La Liberté
Au lendemain de la prise de la Bastille, étendards, affiches et gravures commencent à diffuser des emblèmes du triomphe de la Révolution sur le despotisme. Symboles de la féodalité vaincue et personnifications des vertus révolutionnaires sont associés dans des combinaisons d’abord aléatoires.
Mais de cette première irruption de symboles émerge une figure qui va incarner la Nation française, jusqu’à la chute de la monarchie du moins : la Liberté.
Codifiée au XVIIe siècle, sa représentation a été soumise à des ajustements après 1789.
L’Iconologie publiée par Gaucher en 1791 rappelle que la Liberté est représentée traditionnellement sous les traits d’une jeune femme vêtue de blanc, tenant d’une main le sceptre, qui "exprime l’empire que par elle l’homme a sur lui-même", et de l’autre le bonnet – pileus – qui distinguait l’esclave affranchi chez les Romains, le chat, ennemi de la contrainte, l’accompagnant parfois. Mais l’auteur enregistre aussi le nouvel usage iconographique qui distingue la Liberté acquise par la valeur : c’est "une femme tenant une pique surmonté d’un bonnet et foulant aux pieds un joug". Quoique cette représentation conventionnelle soit la plus courante sous la Révolution, les artistes disposent souvent librement des motifs qui la composent.
- Louis-Joseph Hoyer (1762-1829) Le serment à la liberté
Au milieu de la place Saint-Pierre à Soissons, statue de la Liberté avec bonnet phrygien dans la main droite et lance dans la main gauche. Sur le socle qui la supporte et qui porte un buste de Marat: "Liberté Egalité ou la Mort". Autour, individus de toutes conditions et de tous âges. Au 1r plan, emblèmes de l'ancien régime en train de brûler (couronne, sceptre, croix de St Louis, mitre d'évêque, dont la crosse sert à attiser le feu).
— Jean-Jacques Karpff dit Casimir (1770-1829) Le serment à la liberté
Paysage idyllique et personnages à l'antique, avec un même thème: foule de toutes conditions sociales qui prête serment à une statue de la liberté appuyée sur la Constitution du 10 août 1793, munie d'une pique, d'un bonnet phrygien et d'une épée. Le socle est orné d'un relief représentant un serment militaire autour d'un autel. Sur la tablette que tient le génie, "il faut mêler l'utile à l'agréable": la fête républicaine n'est pas qu'amusement, mais acte fondamental.
Antoine Gros (1771-1835) La République Française
3.3
Allegories générales
— Auteur unconnu () Le Triomphe de la Liberté, 1790
Paysage symbolique ou allégorie naturalisée, son caractère hybride le place à part dans l’iconographie de la Liberté. Sise sur un podium rocheux, la déesse habite un lieu naturel vraisemblable mais dont chaque élément est chargé de sens. La partie gauche du paysage montre une nature abondante (troupeau au pâturage, arbre chargé de fruits) sous un ciel clément, tandis que des nuages assombrissent la partie droite, dont la vue est en partie masquée par un arbre abattu, parmi les branches duquel gisent les chaînes brisées du despotisme. La figure féminine se tient à la charnière de ces deux mondes contradictoires. Son allure guerrière (cuirasse à la romaine, crinière de lion), sa posture dynamique et le fléchage de son sabre montrent qu’elle vient de pacifier la contrée de gauche et qu’elle s’apprête à conquérir celle de droite, au centre de laquelle se trouve un château, symbole de féodalité.
— Jeanne-Louise Vallain, dite Nanine (1767-1815) La Liberté
La Liberté de Nanine Vallain trônait dans la salle des séances du club des Jacobins. Exempte de narration et chargée de symboles, elle relève de la conception allégorique la plus élémentaire. Vêtue à l’antique, elle tient de la main gauche la pique surmontée du bonnet et de la main droite la Déclaration des droits de l’homme, dont les feuilles déroulées se superposent à un faisceau croisé à une massue – l’union et la force. Le pied de l’allégorie foule une chaîne brisée à proximité de laquelle se trouvent deux symboles du régime déchu : la couronne renversée et les registres féodaux mutilés. Sur la pierre taillée qui sert d’assise à la Liberté sont martelées deux dates : 14 juillet et 10 août. Sur ce même socle est posée une urne funéraire dédicacée A nos frères morts pour elle. A sa base croît un lierre, signe de la fidélité qui attache à la Liberté, et à proximité pousse le laurier qui donne à ses martyrs les couronnes de la gloire. La déité s’inscrit plastiquement sur une pyramide, car venue du fond des âges elle est promise à l’éternité.
— Philippe-Auguste Hennequin (1762-1833) Le Triomphe du peuple français
Cet immense tableau de 4 x 6 m obtint le Premier Prix au salon de 1799, mais il a été découpé et dispersé entre les musée de Rouen, Angers, Le Mans et Caen en 1820. Libéré au début de 1797, après avoir été emprisonné pour sa participation au complot du camp de Grenelle (septembre 1796), Hennequin entreprit de porter la lutte politique sur le terrain artistique. Au salon de l'an VII (1799), il exposa une allégorie du 10 Août, qui était un véritable manifeste contre la politique du Directoire. Celui-ci avait en effet imaginé de commémorer les grandes dates de la Révolution. Estimant que seul un Jacobin pouvait peindre le 10 Août, Hennequin commença son tableau tandis que Gérard dessinait le même sujet (musée du Louvre). David approuva Hennequin, qui, à l'issue du Salon, remporta un premier prix. Le succès du tableau était le résultat de l'agitation néo-jacobine née des revers militaires qui se succédaient en cette année 1799. Mais bientôt, alors que l'exposition était déjà ouverte, Guérin apporta son Retour de Marcus Sextus. Aussitôt on transporta sur son nom les lauriers qui ornaient l'oeuvre d'Hennequin. La victoire des royalistes était complète, en même temps que le grand prix passait à Guérin. Acquis par l'État, le 10 Août d'Hennequin fut exposé au musée spécial de l'école française à Versailles. Mais l'artiste lui-même demanda son transfert au temple de Mars (cathédrale). Il en sortit en 1803, au moment où l'édifice fut rendu au culte catholique. Découpée en plusieurs fragments après 1815, l'oeuvre fut dispersée entre plusieurs musées, Rouen, Angers, Le Mans et Caen, en 1820. Les trois morceaux de cette dernière ville furent détruits durant la dernière guerre mondiale. Le Jeune Homme d'Angers a également brûlé dans l'incendie du palais de Justice où il avait été déposé.
Ainsi ne subsiste-t-il plus de cette immense allégorie que sept fragments qu'il est difficile de restituer dans la composition, connue uniquement par des inscriptions. Le tableau est ainsi décrit dans le livret du Salon de l'an VII: "Le Peuple armé de sa massue, et tenant la balance de la justice, vient de renverser le colosse de la royauté, dont la chute est exprimée par ses attributs brisés. Avec elle tombent les chaînes de l'esclavage et de l'ignorance qui sapent les chefs-d'oeuvre des arts. Sur ces débris de la tyrannie s'élève la Liberté triomphante: d'une main elle pose une couronne sur le marbre qui doit transmettre à la postérité cette époque sublime de la Révolution. Au-dessus, le chêne de la Vertu étend ses branches immortelles. Aux pieds de la Liberté s'agite la Discorde, dont la torche à demi éteinte ne reçoit plus d'aliment: elle pousse des cris, et les serpents se replient sur sa tête tandis que la Calomnie, implacable ennemie du Mérite et de l'Équité, déchire de sa dent venimeuse le laurier de la Gloire, et s'efforce de sa main crochue d'étendre sur l'inscription un voile ensanglanté. Dans le haut du tableau est la Philosophie écartant les nuages qui cachaient la Vérité que le Temps amène. Cette Déesse, son miroir à la main éblouit et terrasse les Crimes. La Rage, armée d'un glaive et s'arrachant les cheveux, le sombre Désespoir, la Fureur jetant un enfant qu'elle vient d'égorger, cherchent à se dérober à l'éclat victorieux qui les poursuit. Plus avant est le Fanatisme, abattu, armant d'un feu homicide, les mains de la Crédulité, qui s'attache encore à un autel renversé. Sur le troisième plan, et à l'écart, paraît la Trahison. Cette dernière échappe seule à la juste punition du Peuple, derrière lequel elle se cache; elle ne peut soutenir les rayons de la Vérité, et déjà elle s'apprête à se couvrir de son masque et à se servir de son poignard."
Avec ce tableau, Hennequin affirmait son engagement politique, mais révélait également à quel point il était en totale rupture avec la représentation immédiate des événements. Ce n'était pas le cas de Gérard dont le dessin (cat. 1079) montre une scène d'émeute populaire.
— Jean-Baptiste Regnault (1754-1829) Allégorie relative à la Déclaration des droits de l'homme
Minerve, assise au seuil du Temple de la Liberté, achève la Déclaration. La Prudence et la Justice la conseillent, Hercule, aux pieds du trône de la France, l'aide à placer sur un piédestal le buste de Louis XVI. En bas à droite, le Commerce et l'Abondance qui a à ses pieds le Génie des Arts. La renommée (en haut à droite, avec sa trompette) proclame la nouvelle, le Temps dévoile la Vérité (dans le ciel). Accoudé devant Minerve, un personnage (Sieyès?) montre à La Fayette l'Histoire (?) assise à ses pieds. Derrière La Fayette, une foule armée conduite par un soldat monté sur un canon et tenant une pique coiffée du bonnet phrygien, devant la Bastille en train de s'effondrer. A gauche, Bailly, tenant gouvernail et clés, observe la scène, appuyé sur le siège de la ville de Paris qui terrasse un homme nu enchaîné. La place accordée au peuple est une innovation idéologique, ainsi que les instruments agricoles du 1r plan, qui peuvent signifier que la liberté est le meilleur garant de l'approvisionnement de la ville de Paris.
— Meynier Charles (1768-1832) La France, en Minerve, protège les arts
Musée Magnin à Dijon
3.4
Allégories Politiques
Allégories politiques : de l'idée au culte de la personnalité
— Anonyme (1793) Pompe funèbre de Marat dans l'église des Cordeliers organisée par David
— Regnault Jean-Baptiste (1754-1829) Un Génie montre à la France la Liberté et la Mort
Salon de 1795. Pure tradition raphaélesque. L'image est clairement didactique: le génie de la France, avec ses ailes et sa flamme (l'esprit) désigne les 2 termes de l'alternative:
La Liberté, avec les accessoires républicains (bonnet phrygien de la Liberté, triangle de l'Egalité, faisceau de la Fraternité), sur un siège où le serpent se mort la queue, symbole de l'Eternité, suggérant qu'elle est immortelle.
La mort, dont les ailes teintées de tricolore comme celles du génie, et la couronne de lauriers sur la faux, indiquent la valeur positive d'une "mort patriotique".
Conclusion: la liberté vaut que l'on meure pour elle. Oeuvre polémique autant que politique. Peinte fin 1793, sous la Montagne, elle devient à l'automne 1795 prétexte à une diatribe contre la Terreur. Et les critiques vont se déchaîner, avec une vivacité qui montre l'ampleur des controverses.
3.5
Allégories politiques :
Propagande
Fondées sur le culte de la personnalité, elles fondent les pouvoirs personnels et le retour à des régimes absolutistes. Après le coup d’Etat des 18 et 19 brumaire an VIII (9-10 novembre 1799), qui transformait la République française, jusqu’alors gouvernement collégial démocratique, en un Etat autoritaire marqué par la personnalité d’un seul homme, les artistes entreprirent de commémorer soit l’acte fondateur du nouveau régime, soit les grands événements du Consulat (1799-1804), comme le Concordat et la paix d’Amiens (1802).
– Franque Jean-Pierre (1774-1860) Allégorie sur l'état de la France avant le retour d'Egypte,1810
esprit avide de nouveauté qu’au sein de l’atelier de David se crée, vers 1798, la Secte des Méditateurs ou Primitifs ou Barbus, noms que ces jeunes artistes doivent au fait qu’ils défient leur temps en ne se rasant pas et en s’habillant d’une façon antique à l’extrême. Pour la plupart âgés de vingt à trente ans, ils débordent d’une énergie créatrice unique. Ils se trouvent en apprentissage auprès de l’artiste qui représente le mieux les nouvelles idéologies d’une France en mouvement. David est l’artiste de la Révolution : c’est lui qui peint les nouveaux martyrs tels Marat ou Bara. C’est lui qui organise de nombreuses fêtes révolutionnaires, dont celle de l’Être suprême en l’an II (1793), et c’est encore lui qui dessine des projets de costumes pour les représentants du peuple. Prenant exemple sur leur maître et sur L’Enlèvement des Sabines (1799, musée du Louvre), Maurice Quay, Hilaire Périé et ses camarades entendent soumettre l’art à un schéma de type révolutionnaire et appliquer des idées primitives à leurs vies, jusqu’à élaborer un véritable modus vivendi. En 1810, alors que la secte s’est dissoute à la mort de Maurice Quay en 1802, Jean-Pierre Franque et son frère jumeau Joseph-Boniface exécutent L’Allégorie de la France avant le Retour d’Egypte afin d’honorer l’Empereur. Ce tableau inhabituel présente Napoléon comme un rêveur découvrant l’état de la France en proie aux démons des guerres civile et extérieure, dans une ambiance ossianique et fantasmagorique. Exécuté bien après la dissolution de la secte, sa facture – touche primitive et influence d’Ossian – montre la volonté d’une continuité de la part de ces deux anciens Primitifs.
– Antoine François Callet (1741-1823) Allégorie du 18 Brumaire, 1800
Exposée au Salon de 1800, l’esquisse du tableau de Callet, ancien peintre officiel de Louis XVI, fut réalisée en grand sans doute à la demande des consuls. L’oeuvre, agrandie et transformée en plafond bien qu’elle ne soit absolument pas destinée à cet usage, se divise en deux registres qui montrent parfaitement l’évolution du régime républicain sous Bonaparte. Elle représente selon le livret du Salon "le vaisseau de l’Etat [qui] surgit du port". En haut, la France victorieuse (nous sommes après Marengo) tient une branche de laurier. Elle est élevée sur un pavois que soutiennent les quinze armées de la République. Mais une figure égyptienne qui symbolise l’armée de Bonaparte l’accompagne. En bas, Hercule, qui représente le gouvernement, écrase les ennemis de l’ordre et de la paix.
- Risler Auguste-Charles (1819-1899) Artiste alsacien né à Cernay. Napoléon Ier relevant la France, 1847, Rueil-Malmaison ; musée national des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau. Inscription: LIBERTE FRATERNITE EGALITE ; le plus grand mal/des français est/qu'ils ont tué le/sentiment intérieur/de leur esprit par/les jouissances-/les plaisirs de/l'esprit et du/corps !
— Louis-Philippe Crépin (1772-1851) Allégorie du retour des Bourbons le 24 avril 1814 - Louis XVIII relevant la France de ses ruines
Collection du palais de Versailles
— Cabasson Guillaume Alphonse (1814-1884) L'apothéose de Napoléon III
Château de Compiègne, Compiègne, France
— Alexandre Rémy La Vertu, la Sagesse et la Justice entourent le berceau du roi de Rome,1812.
Propagande actuelle
Illustration de la campagne officielle du gouvernement pour défendre le grand emprunt. Cette campagne publicitaire réalisée par Euro RSCG C&O. a coûté la modique somme de 975 000 euros, consacrés à l’achat des espaces publicitaires en presse quotidienne nationale et régionale, en presse hebdomadaire et régionale et sur le web. La photo, quant à elle, a coûté 150 000 euros. La photographie met en scène une jeune femme de type européen dont on peut dire qu’elle est “normale, ni trop belle, ni trop laide” (Marc Huleux, vice-président de Euro RSCG C&O). Ce qui n’est pas sans rappeler le débat toujours actuel de l’identité nationale. L'image mère-nourricière, évoquée généralement par les seins nus, est remplacée par le ventre (mère). Douceur angélique de la photographie. Le rouge et le poing levé ont laissé place à un blanc soutenu par des bras attentifs. Les couleurs dominantes sont le bleu et le blanc, les couleurs de la monarchie en somme, ce qui n’est pas sans paraître paradoxal. En outre, l’accentuation du bleu et du blanc renvoie traditionnellement davantage aux partis de “droite” (UMP)...