HISTOIRE DE L’ART / CONFÉRENCES THÉMATIQUES
Révolution
française 1830
Les trois Glorieuses (La révolution de Juillet)
25 Juillet
Désavoué par les élections qui se sont tenues en juillet, Charles X refuse de se soumettre et décide d’affirmer son pouvoir en rédigeant quatre "ordonnances scélérates" (dissolution de la Chambre, abolition de la liberté de la presse).
27 Juillet
Début de la Révolution. Face aux ordonnances, vive réaction de la bourgeoisie et de la population. La presse publie des appels à l'insurrection. Le 27, des barricades sont élevées dans les petites rues.
27, 28 et 29 Juillet
Trois jours de combat, à l'issue desquels le roi abdiquera (30 août).
Mais dans les jours qui vont suivre, la bataille se déplace du côté des élites. Les Républicains ne parviendront pas à s’imposer et c’est finalement le duc d'Orléans qui obtiendra le pouvoir dans une solution de compromis, la monarchie de juillet. "Révolution confisquée".
1.0
Les prémices:
L'anti-royalisme
Louis-Philippe Crépin (1772–1851) Le radeau de la méduse
1.1
Géricault et Delacroix
– Théodore Géricault (1791-1824) Le radeau de la méduse
La Méduse s’est échouée le 2 juillet 1816. Sitôt connue, l’affaire devient politique. En 1817, Corréard et Savigny publient le récit du naufrage, qui apparaît comme un réquisitoire contre le régime. En 1818, Géricault, qui rentre d’Italie, a l’idée du tableau et commande une toile de 7x5m. En 1819, il présente au Salon sa Scène de naufrage, dont le titre ne trompera personne, et qui deviendra une sorte de manifeste anti-royaliste.
Composition pyramidale, diagonale ascendante, double triangle des personnages groupés dans l’ombre, de ceux qui, dans une lumière relative, s’achèvent dans le tissu agité par le noir (dit "triangle de l’espoir"), triangle des cordages et de la voilure. Autour du mât s’établit le pivotement dans l’espace de cette série qui détermine un dynamisme de l’ensemble. Véritable manifeste, l’œuvre s’oppose au néo-classicisme et prépare le Romantisme: de par le dynamisme d’une organisation fondée sur l’oblique, de par un sujet d’actualité devenu mythe, de par le réalisme du détail, de par la noirceur et la dramatisation. Malheureusement pour Géricault, le public ne verra pas grand-chose de tout cela, et se divisera en pour et en contre pour de seules raisons politiques.
Jeune homme mort : Celui pour lequel a posé Delacroix. La misère exprimée par la position du jeune mort est accentuée par la nudité opposée au port de chaussettes: Delacroix reprendra le même motif pour le mort de gauche.
Delacroix, La liberté menant le peuple
Eugène Delacroix (1798-1863) La Liberté guidant le peuple (1830)
Le 12 octobre 1830, Delacroix écrit à son frère Henri: "J’ai entrepris un sujet moderne, une barricade, et si je n’ai pas vaincu pour la patrie au moins peindrais-je pour elle". Les Trois Glorieuses ont amené au pouvoir le parti orléaniste,Thiers en tête, largement soutenu par Talleyrand. Une coterie à laquelle l’artiste, sans pour autant participer vraiment à la politique, est étroitement associé. Il est donc disposé à marquer l’événement, et l’œuvre qui s’ensuit, première composition engagée de la peinture moderne, témoigne de son adhésion aux événements.
La composition inscrit en un vaste triangle, ponctué en apothéose par le drapeau, la figure de la Liberté, dressée sur le socle que lui érigent les morts. Toutes les lignes secondaires la désignent, soit qu’elles se dirigent vers elle (à gauche le fusil, les sabres, l’oblique du blessé agenouillé), soit qu’elles en reprennent en parallèle l’attitude (l’enfant de droite). L’œuvre est tout entière faite de contrastes: élan vital et immobilité éternelle, oppression et liberté chèrement payée, ombre et lumière, flou et netteté. L’action détache les personnages principaux sur un fond à peine esquissé, foule hérissée de piques à la droite de la Liberté (place traditionnelle des élus) soldats à sa gauche (les damnés), paysage parisien identifiable grâce à Notre-Dame. Une aura de fumée baigne de lumière Liberté et gamin, symboles de la jeunesse sacrifiée à une juste cause, et les relie à la cathédrale. Cathédrale et enfant font peut-être allusion au roman Notre-Dame de Paris où Victor Hugo transpose précisément au même moment les événements: il y assimile architecture gothique et liberté, et l’écolier Jehan Frollo, comme plus tard le Gavroche des Misérables, meurt en chantant un air populaire.
Pour être sans équivoque reconnue comme une allégorie, la Liberté, seule femme du tableau, se coiffe du bonnet phrygien, et offre sa poitrine nue conformément au thème classique des Victoires. Malgré cette référence bien connue, cette nudité choque, sans doute parce que assortie d’un réalisme général qui a fait même taxer l’œuvre d’ "apologie de la laideur". C’est que sa puissance, l’ampleur de ses formes et l’épaisseur de ses attaches, renvoient cette femme à un type populaire… Et c’est bien au peuple que Delacroix rend hommage, un peuple qui a atteint sa majorité avec les journées de 1830. Tous les autres personnages sont des travailleurs manuels, dont les vêtements décrivent avec précision les trois sortes d’ouvriers parisiens de l’époque: le compagnon (l’homme au fusil, malgré le chapeau haut-de-forme, porté alors par tous les citadins), le manufacturier (l’homme au sabre), le travailleur de force (le blessé). La couleur souligne le propos, qui éclate sur le drapeau pour en reprendre les bleu, blanc et rouge, atténués en variations diverses, dans les costumes des protagonistes, tandis que rayonne au centre l’or de la Liberté d’où semble émaner la lumière.
Peu et mal comprise par ses contemporains, l’œuvre aura la fortune postérieure que l’on sait. Élevée au rang de mythe, elle symbolise aujourd’hui encore, et sans doute à jamais, tous les désirs de liberté.
Eugène Delacroix (1798-1863) La Liberté guidant le peuple (1830)
2.0
Les combats
Schnetz Jean Victor (1787-1870) Le combat devant l'Hôtel de Ville, le 28 juillet 1830
2.1
Les combats
journée du 28/07
– Gravure: barricades et combats de rue
– Lecomte Hippolyte (1781-1857) Combat de la porte Saint-Denis, le 28 juillet 1830
– Schnetz Jean Victor (1787-1870) Le combat devant l'Hôtel de Ville, le 28 juillet 1830
– Bourgeois Amédée (1798-1837) Attaque de l'hôtel de ville de Paris et combat du pont d'Arcole, le 28 juillet 1830
2.2
Les combats
journée du 29/07
– Lordon Abel (1801-?) Attaque de la caserne de la rue de Babylone le 29 juillet 1830
– Lecomte Hippolyte (1781-1857) Combat de la rue de Rohan, le 29 juillet 1830
– Jean Louis Bezard (1799-1881) Prise du Louvre 29 juillet 1830
– Anonyme () L'attaque du Louvre, le 29 juillet 1830, vue du Pont-Neuf
2.3
Avènement de Louis-Philippe
– Carbillet Jean Baptiste Prudent (1804-après1869) Episode de la révolution de 1830, journée de juillet Louis-Philippe, duc D'Orléans, venant de Neuilly, arrive au Palais-Royal dans la nuit du 30 juillet 1830
– Joseph-Désiré Court (1797-1865) Le roi donne les drapeaux à la Garde nationale de Paris et de la banlieue (29 août 1830)
La Monarchie de juillet
– Philippe-Auguste Jeanron (1809-1877) Les petits patriotes
L’image reflète bien les ambitions et les limites du peintre. La révolution de 1830 suscita chez ce républicain forcené un grand espoir qu’il traduisit dans cette peinture (Caen, Musée des Beaux-Arts), exposée en 1831 aux côtés de La Liberté guidant le peuple de Delacroix. Il serait cruel de pousser plus loin la comparaison entre les deux œuvres. Jeanron crée une aimable vignette là où Delacroix fait passer le souffle de la grande peinture d’histoire.
– Philippe-Auguste Jeanron (1809-1877) Une scène de Paris, 1833
Déçu par Louis-Philippe, Jeanron se réfugia dans l’opposition et exposa quelques peintures engagées contre la Monarchie de Juillet.
En témoigne Une scène de Paris (Chartres, Musée des Beaux-Arts), où une famille de miséreux, dont le père arbore la cocarde sur son couvre-chef, semble mourir de faim en pleine rue tandis qu’un couple de bourgeois insouciants s’éloigne sans faire preuve d’une once de compassion.
Comme le suggère la notice du catalogue, un titre neutre fut sans doute retenu afin que le tableau soit accepté au Salon, comme le Radeau de la Méduse devint en son temps Une scène de naufrage. S’il peignit d’autres toiles dans la même veine, tel que Les ouvriers en grève (perdu, exposé en 1833), ses sujets s’assagirent bien vite. L’artiste se fait alors simple observateur du quotidien. En décrivant la vie des petites gens, qu’ils soient paysans limousins ou pêcheurs, il ne porte plus de jugement sur la société.
3.0
Nouvelles allégories
Louis. Boulager (1806-1867) La Liberté, allégorie des journées de 1830
La révolution confisquée
– Auguste Dumont (1801-1884) Génie de la Bastille
1840, Un symbole sans virulence commandé par Louis-Philippe en l'honneur des insurgés des 3 Glorieuses.
– François Rude (1784-1855) Departure of the Volunteers “La marseillaise”
1836, Bas-relief de l'arc de Triomphe: le départ des volontaires en 1792, dit "La marseillaise".
Thiers, ministre de l'Intérieur de la Monarchie de Juillet, a la haute main sur le chantier de l'Arc de Triomphe. Il a le bon sens de prévoir des scènes exaltant à la fois la gloire des armées de la République et de l'Empire, car il sent bien que l'opinion publique est encore très sensible à ce récent passé.
Il choisit donc de faire illustrer par les artistes quatre dates symboliques: Le Départ des volontaires en 1792, Le Triomphe de 1810 à la gloire de l'Empire, La Résistance de 1814 et La Paix de 1815.
Chargé de la décoration d'un des piliers du monument, François Rude se voit attribuer la réalisation d'une sculpture consacrée au premier thème. L'ouvrage est terminé en 1836. L'interprétation par Rude du sacrifice fait par tous les Français à la cause de la liberté est une réussite totale. Le sculpteur est le premier de sa génération pour qui la représentation des sens, de l'émotion et du mouvement va devenir une priorité absolue. Malgré un certain académisme, l'oeuvre qui peut être considérée comme la première sculpture romantique, est l'objet de vives critiques. Les défenseurs du "goût officiel" sont choqués par la violence de la figure centrale, allégorie féminine du génie de la guerre qui appelle les hommes au combat et à laquelle l'artiste a insufflé une extraordinaire énergie. Les esprits chagrins s'élèvent également contre le réalisme et le caractère "excessivement" mouvementé de la fresque. Rude a prévu un pendant au groupe des "volontaires" de 1792, que l'on connaît par des dessins conservés au Louvre. Il projette de réaliser une seconde sculpture illustrant Le Retour, c'est-à-dire la retraite de Russie, la grande boucherie finale de l'Empire, et d'aller ainsi jusqu'au bout de son idéal romantique. Ce sujet est, bien entendu, refusé par Thiers, qui ne peut admettre qu'une défaite soit représentée sur un monument de propagande.
– David d'Angers (1788-1856) Fronton du Panthéon 1830-1837
En 1830, l’église Sainte Geneviève à Paris fut affectée au temple laïc qui abriterait les sépultures des Français célébrés par la République. David d’Angers est chargé de cette composition monumentale: il y fait figurer des allégories, des personnages de l’histoire passée et récente. Mais les gouvernements se succèdent en cette période troublée et le Fronton commandé dans l’enthousiasme n’est achevé que 7 ans plus tard, dans le plus grand silence.
Debout sur un socle décoré du coq gaulois, la Patrie couronnée d’étoiles distribue les couronnes de laurier que lui tend la France coiffée du bonnet phrygien tandis que l’Histoire, figure ailée, inscrit les noms des héros. A gauche, les personnalités civiles, hommes de la politique, de la science et de l’art, tous identifiés. A droite, les militaires, anonymes, menés par le jeune général Bonaparte, porteur des espoirs de la génération de l'artiste, qui fut amèrement déçu par l’empereur. Des étudiants, génération à venir qui prendra le relais des hommes illustres, se trouvent aux deux extrémités du Fronton, encore petits mais déjà aspirés par le mouvement ascendant vers la Patrie.