HISTOIRE DE L’ART / CONFÉRENCES THÉMATIQUES

Clair-Obscur

«Je ne sais pas où ils voient des lignes dans la nature. Moi, je ne vois que des lumières et des ombres» (Goya)

Définition: «technique consistant à moduler la lumière sur un fond d’ombre en créant des contrastes successifs du relief et de la profondeur». Lié à l’illusionnisme, il semble être apparu en Grèce au Ve siècle avant JC (Apollodore, Zeuxis, Pharrasios). Utilisé à Pompéi (monochromato), il disparaît au Moyen Age, parce que ce dernier considère la profondeur comme synonyme de l’obscur, de la matière ténébreuse. L’image, reflet du noos (esprit), ne doit pas comporter d’ombre.

1.0

LE CLAIR-OBSCUR

COMME CONSTRUCTION

DE L’ESPACE

Léonard de Vinci - La Joconde

Le clair-obscur, une technique artistique séculaire, se distingue par l'utilisation subtile de la lumière et de l'ombre pour créer des contrastes saisissants. Cette méthode, prisée depuis l'Antiquité, a trouvé son apogée durant la Renaissance et l'époque baroque. Les maîtres de cette période, tels que Léonard de Vinci, Caravage et Rembrandt, ont utilisé le clair-obscur pour donner vie à leurs œuvres, en modelant les formes et en capturant l'émotion.

Dans cette approche, la lumière révèle les formes et crée des points de focalisation, tandis que l'ombre offre profondeur et mystère. Par ses jeux de contraste, le clair-obscur évoque une ambiance dramatique et intensifie le réalisme des scènes représentées. C'est une danse subtile entre la lumière et l'obscurité, où chaque nuance contribue à enrichir la composition visuelle.

En Italie, sous l'influence d'une Antiquité toujours présente dans les consciences, se fait jour peu à peu une nouvelle conception de la représentation. Cette époque de renouveau artistique a vu émerger un intérêt renouvelé pour les techniques de représentation réalistes, y compris l'utilisation habile du clair-obscur pour donner vie aux peintures et sculptures.

1.1

Oeuvres

Berlinghieri (vers 1236), Saint François devant d’autel, église saint François, Brescia;
Cimabue (documenté entre 1272 et 1302), Assise, église basse Saint François. La progression est manifeste entre les deux, et s’accentuera encore avec Giotto 20 ans plus tard.

Quattrocento (XVe siècle)

Les lois du clair-obscur se précisent peu à peu et de manière d’abord empirique.

– Fra Angelico (1417-1555) Couronnement de la vierge Musée du Louvre

– Paolo Uccello (1397-1475) Bataille de San Romano Uffizimuseet , Florens

– Mantegna (1431-1506) Calvaire Musée du Louvre

– Filippo Lippi (1406-1469) Vierge à l’enfant
Alte Pinakothek, Munich

– Botticelli (1445-1510) Vierge à l’enfant

Si tous utilisent des dégradés, les formules sont différentes: saturation colorée pour l’Angelico, modelage chez Uccello, grisaille de Mantegna, gris sales de Filippo Lippi, vaporisation subtile avec Botticelli.

Puis Léonard de Vinci (1452-1519) y fait référence dans son Traité de la peinture, avec des observations nombreuses et subtiles (entre autres sur la couleur des ombres: «J’ai vu des ombres vertes projetées par les cordes, le mât, la vergue sur la surface d’un mur blanc au coucher de soleil. Et cela était dû au fait que les surfaces du mur qui ne reflétaient pas la lumière du soleil recevaient celle de la mer qui était en face»).

Il fonde sa technique de clair-obscur (qui prend le nom de sfumato) sur un principe d’émergence («si ta figure est dans une maison obscure et si tu la regardes du dehors, elle aura des ombres noires plus voilées...»)

Léonard de Vinci (1452-1519) La Vierge aux rochers
Musée des beaux arts de Caen

Léonard de Vinci (1452-1519) La Joconde

2.0

LE CLAIR-OBSCUR

COMMEDÉFINITION

DES VOLUMES

Caravage (vers 1751-1610) La Mort de la Vierge

2.1

Oeuvres

Tout au long du XVIe siècle vont se mettre au point techniques et procédés divers.

– Le Titien (1488-1490) Vierge au lapin (1530)

– Anonyme Titianesque () Le Rédempteur, Ecce homo

– Le Tintoret (1518-1594) Adoration des bergers

– Mihály Munkácsy (1844–1900) Le Christ devant Pilate (Scuola san Rocco)

Le premier donne la prééminence à la couleur, le deuxième utilise les effets de lumière pour des inventions spectaculaires accentuant la tension dramatique.

– Le Greco (1541–1614) Le Christ en croix adoré par deux donateurs

Le Greco, d’origine crétoise et formé en Crète au travail des icônes, puis passé à Venise chez le Titien, regarde plutôt du côté du Tintoret, et transmettra son influence à l’Espagne où il s’installe vers 1575.

Peu à peu le clair-obscur ajoute à sa fonction première de suggestion tridimensionnelle celle d’expression (dramaturgie).


– Le Caravage (vers 1751-1610) La Mort de la Vierge

Musée du Louvre

Mais la révolution, à l’aube du XVIIe, viendra du Caravage (vers 1751-1610), qui invente comme procédé l’ombre dense (issue d’éclairages à la torche) qui fait naître et à la fois détruit la forme. Il recherche le naturel vrai comme réponse à la Contre-réforme, mais fera scandale à cause de son réalisme, de la nouveauté iconographique de ses sujets (réalisme populaire), de la violence de ses contrastes de valeurs. Pourtant il respecte l’orthodoxie catholique qui veut que la lumière symbolise le bien découvrant la nature. Son oeuvre n’en est pas moins considérée comme «dérèglement pictural», qui correspond d’ailleurs au dérèglement de sa vie. Procès, assassinat, il doit fuir Rome pour Naples, puis Malte et la Sicile, et mourra assassiné à Porto Ercole. Il influencera tous les siècles suivants.

Commandée par les Carmes Déchaux pour Santa Maria a Trasvetere, l’oeuvre est aussitôt retirée de l’église, car fait scandale la Vierge hydropique (le modèle en avait sans doute été une prostituée noyée dans le Tibre).


– Le Caravage (1571–1610) La Vocation de saint Matthieu

Vocation et Martyre de saint Mathieu (église Saint Louis des Français, Rome): commande publique.

Selon les évangiles apocryphes, Mathieu était collecteur d’impôts à Capharnaüm, métier méprisé. Comme il est assis avec ses compagnons au bureau des douanes, Jésus lui dit «suis-moi» (Vocation de saint Mathieu). Alors qu’il prêche en Ethiopie, il refuse sa nièce à l’usurpateur Hirtiatcus, celui-ci le fait mettre à mort (décapiter? lapider? brûler vif?). Ici (Martyre), il va être décapité quand un ange apparaît et le sauve. Dans les deux cas, la lumière, projetée sur les personnages essentiels, sert la fable.


– Le Caravage (1571–1610) La Conversion de saint Paul

Conversion de saint Paul, Martyre de saint Pierre (Saint Louis des Français, Rome): 2e commande publique.

Paul (Saül), soldat romain responsable de maintes persécutions des chrétiens, aveuglé par la lumière, entend «pourquoi me persécutes-tu?» Il devient alors un adepte du Christ. On notera les compositions diagonales et les perspectives accentuées.

3.0

LE CLAIR-OBSCUR

COMME ARTIFICE

Père Pozzo - Apothéose de Saint Ignace

Parallèlement à ce clair-obscur d’un excès discuté, la lumière reste essentielle pour fonder le mysticisme (le bien) et l’église du temps du baroque saura s’en servir. Mais c’est une lumière artificielle, irréaliste, qui surgit des plafonds et perce les murs pour manifester les miracles de la foi.

– Père Pozzo, voûte de Saint Ignace ( Apothéose de saint Ignace )

4.0

LE CLAIR-OBSCUR

COMME ÉCLAIRAGE ET

VECTEUR D’EXPRESSION

Le Lorrain (1600-1682) Ulysse ramenant Chryséis à son père

Le XVIIe siècle sera, entre autres, celui de la lumière, fondée sur la recherche du réalisme et issue des travaux du Caravage. Elle est conçue comme éclairage, c’est-à-dire élément variable permettant de saisir la nature sous un aspect particulier. Ses effets (nocturnes, diurnes, compositionnels, etc.) et états (éclatante, diffuse, parcimonieuse...) seront utilisés et approfondis dans tous les pays européens, avec comme résultat la découverte et l’usage de sa valeur expressive.

4.1

En Espagne

Zurbaran travaille pour les grands ordres monastiques sévillans et est l’interprète idéal d’une spiritualité austère et dramatique. Son style est sévère, avec une indétermination spatiale qui confère un grand relief à des fragments intensément naturalistes et aux puissants volumes détachés sur le fond par de violents effets lumineux. Funérailles de saint Bonaventure.

– Zurbaran (1598-1664) Funérailles de saint Bonaventure

Installé à Naples, Ribera travaille pour le vice-roi, les églises et les nobles espagnols. Il use d’un langage naturaliste qui s’estompera quelque peu après la rencontre avec Vélasquez, venu à Naples en 1630. Le pied bot, Saint André.

– Ribera (1591-1652) Le pied bot

Musée du Louvre

– Ribera (1591-1652) Saint André

Une grande qualité formelle, mais un «piétisme superficiel et ennuyeux». Murillo est l’inventeur des petits nuages ronds qui soulèvent la vierge ou les angelots, et qui feront le bonheur des éditeurs d’images de première communion. Jeu de dés, Jeune mendiant.

– Bartolomé Esteban Murillo (1618-1682) Jeu de dés

– Bartolomé Esteban Murillo (1618-1682) Jeune mendiant

4.2

En France

En France, plusieurs courants: caravagesques, luministes, réalistes, se partagent un intérêt pour la lumière qui touche aussi les classiques et les baroques.

Caravagesques

À Rome jusqu’en 1624, Valentin de Boulogne est formé par Vouet et Manfredi qui l’entraîne dans le milieu caravagesque. Types populaires, réalisme et vivacité, couleurs blafardes.

– Valentin de Boulogne (1591-1632) Diseuse de bonne aventure

Luministes

Artiste ambigu, sous le signe de la dualité: sociale (fils dxun modeste boulanger, il épouse une noble), de tempérament (généreux et chicanier), de sujets (malignité de la nature humaine et pureté de l’âme), de style (diurnes et nocturnes, réalisme et simplification abstraite des formes), politique (né en Lorraine française, il passera sous la souveraineté des ducs de Lorraine), de carrière (partagée entre une clientèle locale et Louis XIII qui le fera peintre du roi), religieuse (le duché, environné par le protestantisme, deviendra un des bastions du catholicisme). Par ailleurs, on ne sait pas grand-chose de sa formation, mais il a dû subir des influences artistiques diverses, la Lorraine étant au carrefour des axes nord-sud, est- ouest. Le tricheur, Saint Joseph charpentier, La femme à la puce (détail).

– Georges de La Tour (1593-1652) Saint Joseph charpentier

Réalistes

Les frères Nain, Antoine (1588-1648), Louis (1693-1648) et Mathieu (1607-1677), travaillent ensemble et signent de leur nom sans jamais préciser le prénom. Leur oeuvres sont difficiles à distinguer.

– Les frères Nain - Tabagie

– Les frères Nain - Famille des paysans
Musée du Louvre

Baroques

L’un des rares peintres français que l’on puisse qualifier ainsi. Simon Vouet (1590-1649) connaît bien la peinture italienne, naturalisme caravagesque, chromatisme vénitien, bolonais, ce qui déterminera un style tempéré et classicisant. Son succès est immense en Italie. De retour en France, il propage les nouveautés et les adapte au style décoratif Louis XIII et aux idéaux esthétiques de la société élégante, ce qui donne une synthèse originale entre le baroque italien et l’atticisme français.

– Simon Vouet (1590-1649) La richesse

Classiques

La lumière est chez Claude Gellée (dit Le Lorrain) essentielle, qui lui permet de décrire dans des pendants le cycle du jour et celui de la vie.

– Le Lorrain (1600-1682) Pâris et OEnone

Selon une note de l'artiste sur le dessin préparatoire, le thème est tiré du Ravissement d'Hélène de l'écrivain Du Souhait, considéré à l'époque comme traduction authentique de l'Iliade. L'on sait que lors de la naissance de Pâris, les devins ayant prédit qu'il causerait la ruine de son pays, Priam avait confié au berger Agélaos le soin de le tuer. Celui-ci l'épargne et l'élève sans lui révéler son origine. Alors qu'il n'est encore que berger, Paris épouse une nymphe des fontaines, OEnone. Et tandis que tous deux gardent les troupeaux, il grave le nom de sa compagne sur les écorces (d'où, sur la toile, le geste d'OEnone vers le tronc), lui jurant que, si jamais il l'abandonne, les eaux du fleuve Xanthos reflueront.

«O beau fleuve Xanthe, écrit Du Souhait, rebroussez votre cours... car le beau Paris qui faisait tant d'estat d'aimer Hélène s'est rendu maintenant infidèle»... 

La toile est fidèle au texte: le fleuve déjà reflue, qui se perd en des méandres insaisissables. L'atmosphère crépusculaire annonce l'abandon de Paris tout autant que les désastres qui s'ensuivront (guerre de Troie, mort d'OEnone). Tout l'ensemble s'en trouve dramatisé.

Encadrée de décors à la manière théâtrale habituelle au Lorrain, la scène installe au premier plan les protagonistes du drame, essentiels puisqu'ils en sont l'origine et la raison: OEnone en blanc et bleu (semi-divinité), une nymphe en jaune (peut-être allégorie du mariage), Pâris en rouge (amour). La nature n'est bucolique que d'apparence. Le ciel s'embrase, flamboie derrière les arbres.

Notre oeil, pour saisir l'horizon, doit enjamber les talus qui jalonnent l'espace, le barrent, comme pour laisser présager le chemin difficile dans lequel va s'engager Pâris, entraînant avec lui tout son peuple. Une menace plane, que confirment, autour des arbres épanouis, les troncs inclinés ou brisés qui symbolisent le bonheur perdu des deux amants. Notons enfin que les architectures ruiniformes, si elles se conforment â la traduction usuelle du paysage idyllique par le peintre, connotent aussi la catastrophe, la destruction de Troie.

– Le Lorrain (1600-1682) Ulysse ramenant Chryséis à son père

Le soleil émergeant à l'horizon projette l'ombre puissante du navire, sur laquelle se découpent en contre-jour les silhouettes des acteurs anonymes, marchands, pêcheurs, voyageurs, qui peuplent le port. A la différence de la peinture précédente, tout ici est pâle et froid: ciel jaune, bleus dominants. C'est que la scène se passe le matin (et l'éclairage vient de gauche), au moment exact de l'événement que décrit Homère «Ulysse arrive à Chrysé conduisant la sainte hécatombe (sacrifice de cent boeufs). Sitôt franchie l'entrée du port aux eaux profondes, on plie les voiles, on les range dans la nef noire; vite on lâche les étais, on amène le mât jusqu'à son chevalet, et on se met aux rames, pour gagner le mouillage. On jette les grappins et on noue les amarres. Après quoi on descend sur la grève, on y débarque l'hécatombe que l'on destine à l'archer Apollon, et Chryséis sort de la nef marine. L'industrieux Ulysse la conduit à l'autel et la remet aux mains de son père, en disant : «Chrysès, Agamemnon m'a dépêché pour te mener ta fille et offrir à Phoebos une sainte hécatombe au nom des Danaens. Nous voulons apaiser le dieu, qui vient de lâcher sur les Argiens des angoisses lourdes de sanglots.»... Il convient de rappeler que l'Iliade, commence précisément au moment où Chrisès, prêtre d'Apollon, supplie ce dernier de faire en sorte que sa fille, prisonnière des Achéens, lui soit rendue. Le dieu, écoutant sa prière, décime de ses flèches l'armée grecque jusqu'à ce que, conseillé par le devin Calchas, Agamemnon se décide à renvoyer Chryséis. La colère d'Apollon apaisée, le choses n'en seront pas pour autant simplifiées: pour se consoler de la perte de sa captive/maîtresse, Agamemnon prend à Achille celle qui lui était échue, Briséis. Et Achille mortifié se retirera de la guerre, causant par son absence la défaite des Achéens.

Donc, d'un tableau à l'autre, Le Lorrain accumule les détails signifiants de la légende. Le lien qui les relie n'est pas simple référent historique: dans les deux cas se pressent une menace. Dans les deux cas, faiblesses et passions humaines auront des conséquences dramatiques pour l'histoire. Et, de part et d'autre, l'éclairage, plus que tout, véhicule l'idée flamboyant, générateur d'ombres denses d'un côté, glacial de l'autre où la «nef noire », occultant le soleil, est sinistre présage.

Les deux sujets sont référés à l'Iliade, dans un ordre chronologique d'ailleurs inversé, justifié sans doute par une réalité historique (Ulysse ramène Chryséis le matin) et une volonté symbolique (soir des amours de Pâris et OEnone). 

(Découvrez plus d’œuvres d’art du Lorrain)


– Watteau (1684-1721) L’île enchantée
Collection privée, Suisse

À la charnière entre le siècle de Louis XIV et l’époque Louis XV, appartient par les dates au premier, mais annonce la seconde. Sa lumière crépusculaire symbolise à la fois sa propre fin (phtisique, il mourra jeune) et celle d’une époque et d’un régime.

4.3

En Hollande

Cas particulier, la Hollande adopte un réalisme issu de son protestantisme et de son nouveau statut de pays indépendant. Elle se regarde vivre, et se peintres se spécialisent dans des genres évoquant la vie hollandaise (animaux, marines, intérieurs, Nature morte)

La lumière

Le premier des peintres de la lumière y est Rembrandt, le seul d’ailleurs à n’être pas spécialisé dans un genre. Fils de meunier, il suit l’école latine de Leyde puis l’Université. Mais, attiré par la peinture, il y est formé par des peintres italianisants.

En 1625, au début de sa carrière, il est proche des caravagistes d’Utrecht et utilise des effets de lumière violents et théâtraux. Dès 1630, il conquiert son originalité et ses contrastes lumineux se transforment en ombres enveloppantes et mystérieuses.

En 1631 il épouse Saskia, fille d’un riche marchand d’art. Ce sont les années fastes, avec de nombreuses commandes de portraits. Il renouvelle le thème du portrait de corps en en réunissant les personnages dans une même action (La leçon d’anatomie). Mais en peu d’années il perd sa femme et ses trois enfants: c’est le début du déclin.

Entre 1640 et 1650, il a peu de commandes et pourtant atteint le sommet de sa puissance créatrice (Saint famille, Pèlerins d’Emmaüs). Ronde de nuit (Compagnie du Dapitaine Coq), Philosophe en méditation, Pèlerins d’Emmaüs , Raphaël quittant Tobie, Sainte famille .

– Rembrandt (1606-1669) La leçon d’anatomie

– Rembrandt (1606-1669) La ronde de nuit
Rijksmuseum, Amsterdam

– Rembrandt (1606-1669) Saint famille
Musée du Louvre, Paris

– Rembrandt (1606-1669) Pèlerins d’Emmaüs

– Rembrandt (1606-1669) Philosophe en méditation

– Rembrandt (1606-1669) Raphaël quittant Tobie

Le lumière y est essentielle pour éclairer les intérieurs. Gérard Dou, élève de Rembrandt, il donnera naissance à «l’école de Leyde», tradition de petits tableaux avec une technique précise et raffinée du détail. Son oeuvre se caractérise par de riches effets de clair-obscur donnés par le cadre d’une fenêtre ou la chandelle de scènes nocturnes.

– Gérard Dou (1613-1675) La femme hydropique

Oublié aux XVIIe et XIXe siècles, Vermeer (1632-1675) sera redécouvert en 1866 par Thoré- Burger, fils d’un aubergiste également marchand de tableaux. L’on sait peu de choses de sa vie, sinon que, protestant, il se convertira au catholicisme pour complaire à sa belle-mère lors de son mariage en 1653, et qu’il aura onze enfants. Trente toiles environ répertoriées, dont seize signées et trois datées (Femme écrivant avec sa servante, La lettre, Jeune fille au turban).

– Johannes Vermeer (1632-1675) Femme écrivant avec sa servante
Galerie nationale d'Irlande, Dublin

– Johannes Vermeer (1632-1675) La lettre
Rijksmuseum, Amsterdam

– Johannes Vermeer (1632-1675) Jeune fille au turban

La lumière est chez lui d’autant plus présente qu’elle ne concerne pas seulement la représentation, mais aussi une curieuse technique de touches pointillées en imperceptibles reliefs qui font scintiller la surface.

05

FORME OU COULEUR:
LE XVIIIE SIÈCLE

Francisco de Goya (1819-1823) Pèlerinage de San Isidro

A l’orée du XVIIIe siècle, le rôle de l’éclairage est non seulement acquis mais théorisé. Roger de Piles (1635-1709) publie en 1708 son Cours de peinture par principe, dont un chapitre est consacré au clair-obscur, «science des lumières et des ombres, une des plus importantes parties et des plus essentielles».

Il cite trois moyens: la distribution des objets (tous ombrés du même côté), le corps des couleurs (distribution des couleurs sombres ou claires), les accidents de lumière et d’ombre.

Pourtant, peut-être grâce aux acquis, le clair-obscur générateur de volumes est quelque peu oublié. Des idées nouvelles, des manières autres, vont se manifester. En règle générale, le rôle de la couleur deviendra plus important que celui de la forme, comme en témoigne le débat resté fameux au sein de l’Académie entre les poussinistes (tenants de la forme et du dessin à l’exemple de Poussin) et les rubénistes (partisans de la couleur, inspirés par Rubens), qui s’achèvera par la victoire des rubénistes.

Restent cependant des cas:

- Conjoncturels, comme celui de Fragonard sacrifiant à la tradition pour entrer à l’Académie et utilisant pour son morceau de réception une manière léchée et un clair-obscur vaporeux que l’on ne retrouvera jamais dans ses oeuvres ultérieures.

Le grand-prêtre Corésus se sacrifiant pour sauver la nymphe Callirhoe, sujet tiré de Pausanias (Description de la Grèce, livre VII): «Du temps où Calydon était encore habitée, parmi les Calydoniens qui devinrent prêtres du dieu, il y eut en particulier Corèsos pour qui l'amour, plus que pour personne, fut cause d'injustes souffrances. Il aimait une jeune fille, Callirhoé (Aux-belles-eaux) mais l'amour que Corèsos portait à Callirhoé n'avait d'égal que la haine que la jeune fille ressentait à son égard. Et comme, malgré toutes les prières et les promesses variées de cadeaux que faisait Corèsos, le sentiment de la jeune fille ne se laissait pas fléchir, le voilà qui s'assoit en suppliant auprès de la statue de Dionysos.

Le dieu entendit les prières de son prêtre et les Calydoniens, aussitôt, comme pris de boisson, furent frappés de folie et la mort s'emparait de ces gens en état de divagation. Ils ont recours, dans ces conditions, à l'oracle de Dodone, car pour les habitants de cette partie du continent, les Étoliens et leurs voisins, Acarnaniens et Epirotes, c'étaient les colombes et les réponses issues du chêne qui passaient pour recéler le plus de vérité.

Or, à cette occasion, les réponses venues de Dodone disaient qu'il s'agissait du courroux de Dionysos et qu'il ne prendrait pas fin avant que Corèsos eût sacrifié à Dionysos ou bien Callirhoé elle-même, ou bien celui qui aurait le courage de mourir à sa place. Mais comme la jeune fille ne trouvait aucun moyen de salut, elle a recours en second lieu à ses parents: même d'eux, elle n'obtenait rien; il ne lui restait plus qu'à se donner la mort. Quand on eut préparé tout ce qui avait été prescrit pour le sacrifice par l'oracle de Dodone, la jeune fille fut conduite à l'autel à la manière d'une victime. Corèsos se tenait prêt pour le sacrifice ; mais, cédant à l'amour et non à la colère, il se donne la mort à la place de Callirhoé.

Il a apporté en tout cas par son acte la preuve de l'amour le plus sincère qu'on ait vu parmi les hommes que nous connaissons. Lorsque Callirhoé vit Corèsos mort, le sentiment de la jeune fille changea et, comme elle ressentait de la pitié pour Corèsos et de la honte pour tout ce qu'elle lui avait fait, elle se trancha la gorge près de la source qui se trouve à Calydon non loin du port, et c'est d'après elle que la postérité nomme la source Callirhoè ».

- Durable, car affaire de tempérament, comme celui de Goya (1746-1828). Un exemple étonnant, car sans sa maladie il serait peut-être demeuré un peintre secondaire. Fils d’un maître doreur, formé à Saragosse, il obtient en 1774, grâce à l’appui de son beau-frère Bayeu, peintre bien implanté dans les milieux madrilènes, la commande de cartons de tapisseries pour la manufacture royale. Cartons qui séduisent la cour: il devient peintre de la chambre du roi, et c’est le début d’une carrière brillante de portraitiste. Mais à 46 ans (1792) une grave maladie (sans doute une congestion cérébrale) le laisse sourd. Il se retranche dans l’isolement. Sa peinture change de style et de sujets.

En 1808, il vit très mal l’envahissement de l’Espagne par les troupes napoléoniennes (il avait, comme l’Intelligentsia espagnole, été un fervent partisan de la France, pays de la liberté) et les répressions qui s’ensuivent. Comble: après la Restauration, il sera inquiété car suspecté d’intelligences avec la France, et accusé par l’Inquisition de pornographie à cause de ses deux Majas, pourtant bien anciennes (1800/1803). En 1819, il se retire au nord de Madrid dans la Quinta del sordo (la maison du sourd) et y peint les murs de ses grandioses peintures noires. Il finira ses jours à Bordeaux où il s’installe en 1824.

– Francisco de Goya (1819-1823) Le colosse (1808-10)

Le sujet serait tiré d’un texte littéraire selon lequel un géant aurait surgi pour défendre l’Espagne. C’est donc, contrairement à ce que l’on croit généralement, un génie tutélaire, d’où sa position détournée de la foule qui fuir (sans doute les armées d’invasion).

– Francisco de Goya (1819-1823) Tres de Majo

Exécution par l’armée française d’insurgés contre la domination napoléonienne:

Peintures noires

– Francisco de Goya (1819-1823) Pèlerinage de San Isidro
Musée du Prado, Madrid

– Francisco de Goya (1819-1823) Saturne

6.0

LE XIXE SIÈCLE

Jean-Francois Millet (1814-1875) Le printemps

6.1

Du rêve

Le XIXe siècle tournera carrément le dos à l’idée de clair-obscur, devenu simple technique, pour ne plus s’intéresser à la lumière que comme expression

Exemple :

– Girodet-Trioson (1767-1824) Le sommeil d’Endymion

6.2

De la noirceur humaine

Exemple :

– Daumier (1808-1879) Scapin

6.3

Transformations et la fugitivité, donc les accidents atmosphériques

L’école de Barbizon, exemples :

– Théodore Rousseau (1812-1867) Avenue en forêt de l’Isle Adam

– Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875) Souvenir de Mortefontaine

– Jean-Francois Millet (1814-1875) La fileuse

– Jean-Francois Millet (1814-1875) Parc à moutons au clair de lune

– Jean-Francois Millet (1814-1875) Le printemps

6.4

Le fin du clair-obscur

Peu après, les Impressionnistes, proches héritiers de ces artistes, se regrouperont chez Nadar (1874). Le lumière est l’essentiel de leurs recherches, mais le clair-obscur est mort. Il laisse la place aux modulations colorées.

Prochaine Conférence :
Le corps, marquages et masquages